« J’ai été invitée au Kremlin par Poutine »

Alors qu’elle prépare son nouvel album, dans un style cabaret-jazz, qui sortira à la fin de l’année, Patricia Kaas était cette semaine en Russie pour un concert à l’occasion du mondial de Biathlon, sponsorisé par Gazprom, qui se tenait à Novossibirsk.

Le Courrier de Russie : On vous cite en Russie parmi les trois grandes chanteuses qui incarnent la France, avec Edith Piaf et Mireille Mathieu. Vous sentez-vous une icône de la chanson française en Russie?

Patricia Kaas : Non, je ne me sens pas la représentante de la chanson française comme ces deux artistes. Cependant, une histoire d’amour est née entre la Russie et moi. Je suis venue pour la première fois en 1989, pour une émission de télévision sur la musique française, en direct de la Place Rouge. Ensuite, on m’a proposée de faire des concerts à Moscou : trois soirs à guichets fermés à l’Olimpiïski, et c’était parti. Depuis, j’ai toujours voulu garder ce contact particulier avec le public russe. Et 20 ans après, nous sommes toujours là et c’est toujours la même demande. Je ne pense pas que cela s’explique par une chanson, ou une voix, mais plus par une histoire. Je suis une fille de l’est de la France, qui a dû se battre pour en arriver là. Je me sens proche du peuple. C’est cette simplicité qui me lie avec les Russes, qui admirent également la réussite. Un jour, j’étais sur un marché et une dame très pauvre a tenu à m’offrir son petit nounours pour me protéger. Pour moi, ce lien ne se résume pas à un goût pour une chanteuse.

LCdR : Votre dernière tournée s’est arrêtée dans plus de vingt villes russes, jusqu’en Sibérie. Comment cela s’est-il passé ?

P.K. : Cela n’a pas toujours été facile, mais le plus dur a été pour l’équipe technique. Il m’est arrivé de faire mon show dans une salle à 15 degrés ! Un soir à Tioumen, en plein milieu du concert, la sono a sauté car la console était cassée (nous ne pouvions pas transporter notre propre matériel et utilisions celui sur place). Pour la première fois de ma carrière, j’ai dû faire un entracte. Ils ont bricolé tout cela en passant la sono sur mon casque, donc le public entendait énormément ma voix et très peu la musique, mais c’était la seule solution pour finir le spectacle. On a réussi, et les gens étaient contents. Finalement, c’est toujours de ces moments-là que l’on se souvient et qui marquent toute l’équipe. Cela me rappelle mes débuts, quand j’avais une dizaine d’années et que je chantais avec mon groupe : la sono était terrible. Les conditions d’aujourd’hui, c’est le luxe, mais revenir à des moyens plus sommaires, c’est un vrai défi.

LCdR : Pour votre prochaine tournée en 2008, la Russie sera donc un passage obligé ?

P.K. : Oui bien-sûr. Nous ne ferons peut-être pas autant de dates, mais il est hors de question de faire une tournée sans passer par les pays de l’Est. Cependant, mon grand rêve est de donner un concert gratuit sur la Place Rouge. Cela ne s’est pas encore fait, les démarches sont très compliquées, mais sait-on jamais...

LCdR : Donnez-vous souvent des concerts privés en Russie ?

P.K. : Non, j’ai souvent été invitée mais n’en ai jamais vraiment fait, sauf cette année où j’en ai donné trois. En décembre, j’ai été invitée par Vladimir Poutine pour la fête de fin d’année du gouvernement au Kremlin. Certes, c’est plutôt flatteur, mais ce n’est pas ce que je préfère car c’est un peu particulier : le public n’est pas le vôtre, le concert est plus court (je n’ai chanté que deux chansons cette fois-ci) et les gens sont plus calmes. C’était très drôle car nous étions 17 chanteurs, et nous avions chacun notre numéro, un peu comme un concours ! Donc ça m’a fait plaisir, mais c’est incomparable au bonheur de la tournée.

LCdR : Pour finir, il y a en Russie beaucoup de problèmes de piratages, cela vous affecte-t-il ?

P.K. : Le problème touche plus ma maison de disques. Pour moi, le piratage permet qu’on me connaisse, que j’existe. Comment un Russe, il y a 15 ou 20 ans, aurait pu se payer un disque de moi autrement ? Le piratage, en ce qui concerne les pays de l’Est, ne m’a jamais gênée.

Propos recueillis par Julie Guillot

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